A côté de chez nous vivaient M et Mme Badol, nos voisins.
M Badol était petit et rondouillet et j’aimais l’entendre rire avec sa drôle de moustache. Il avait toujours quelques sucreries dans un bocal en verre, sur la table du salon, et j’en prenais une généreuse poignée lorsque je venais. M et Mme Badol avaient toujours le sourire aux lèvres mais papa et maman ne les appréciaient guère :
"Il ne faut pas côtoyer ces gens-là" m’ont-ils dit un jour, puis on n’en avait plus jamais reparlé.
Quelques temps plus tard, un bruit commença à courir à leur sujet : on leur avait délivré un sauf-conduit pour un voyage d’affaires dans le nord de la France près du front disait-on . A la maison, on ne parlait plus que de ça. Maman souhaitait aller les voir afin de leur demander de prendre des nouvelles de mes frères toujours aux combats. L’un d’eux avait bien eu droit à une permission mais il n’était pas resté longtemps avec nous. Cependant, papa, trop orgueilleux, ne faisait que râler et répétait constamment que l’on serait mieux sans eux.
Mais maman était beaucoup trop inquiète pour son fils et il était évident qu’elle ne s’interdirait pas d’aller voir les Badol.